dimanche 30 décembre 2012

Renforcement: mode d'emploi


Pour rappel, le renforcement est une méthode d’apprentissage comportementaliste, développée par Skinner. Skinner, c’est ce mec qui a mis des souris et des pigeons dans des boîtes pour tester l’influence de la récompense et de la punition. Les prémices du dressage en somme.
Renforcement : Conséquence d’un comportement qui rend plus probable que ce comportement soit produit à nouveau.
Renforçateur positif : Récompense.

Jusqu’à présent, cette technique de renforcement s’est avéré être la plus efficace dans l’éducation des enfants autistes. C'est à dire, récompenser l'enfant lors d'un comportement adéquat et escompté, ceci afin qu'il le reproduise. Voici donc le Top 15 des règles de renforcement à suivre à la lettre pour que la technique fonctionne.
[Si vous voulez dresser votre femme, ça marche aussi…]

1.     Les renforçateurs doivent renforcer.
C’est évident, mais pas tant que ça. Par exemple, ce n’est pas parce que vous, vous aimez le Lagavulin Malt Whisky 20 ans d’âge que votre enfant de cinq ans l’appréciera aussi. Il est donc important d’identifier les différents renforçateurs potentiels. Pour ça, le mieux, c’est d’observer ce que l’enfant aime faire.
[Pour votre femme, les renforçateurs de base sont : la carte
de crédit, le chihuahua, les sacs à mains, les chaussures, les
comédies romantiques et les rendez-vous chez le coiffeur.]
2.    Le renforcement doit être contingent.
Le renforçateur doit non seulement être disponible (un voyage sur la Lune n’est pas adéquat) mais également non-nécessaire ou obligatoire (prendre une douche n’est pas adéquat non plus, surtout si votre enfant n’effectue pas le comportement désiré pendant plus d’une semaine…).
[Autrement dit, pour votre femme, vous avez meilleur temps
d’avoir une très bonne situation financière.]
3.    Utilisez toute une gamme de renforçateurs.
Afin d’éviter le risque de satiété.
[Aucun risque avec votre femme. Elle ne se lassera jamais des
sacs Longchamp.]
4.    Les renforçateurs sociaux doivent être combinés avec les renforçateurs de base.
Les renforçateurs sociaux comme les sourires ou les félicitations n’ont souvent aucun effet chez l’enfant autiste. Les associer avec les renforçateurs de base (boissons, gâteaux, jouets, …) permet de les utiliser comme renforçateurs. (À mon humble avis, cette règle bénéficie plutôt au parent qu’à l’enfant. Ainsi, il a l’impression que l’enfant s’intéresse à lui.)
[Pour votre femme, cela n’est pas nécessaire. Une simple félicitation
à un repas qu’elle vous aura préparé suffira. Il est inutile de lui
acheter un sac à main après chaque repas.]
5.    Développez et identifiez continuellement des renforçateurs.
Cette règle découle des règles 1 et 3. Il est important d’avoir des renforçateurs différents, et surtout de bons renforçateurs.
[Par exemple, à force d’acheter des sacs Longchamp à votre femme,
elle risque d’avoir toute la collection. Vous pouvez donc également
lui acheter des sacs Louis Vuitton ou Gucci.]
6.    Utilisez des renforçateurs adaptés à l’âge.
Un adolescent autiste peut apprécier les mêmes renforçateurs qu’un enfant de cinq ans, mais il est important d’adapter les renforçateurs à l’âge, rien que pour permettre à l’enfant d’être accepté par ses pairs.
[Non non, les sacs Hello Kitty ne sont pas adaptés à une femme
de trente ans…]
7.    L’imprévu et la nouveauté augmentent beaucoup le renforcement.
Les surprises sont en général très motivantes. Ne pas savoir quel renforçateur va récompenser le comportement ciblé peut être très excitant. (Ça me rappelle ces glaces à l’eau qu’on mangeait quand on était gamins, on ne savait pas quelle couleur elles auraient avant d’ouvrir le paquet. Rappelez-vous, c’étaient ces glaces-là nos préférées.)

8.    Au début, le renforcement doit être donné immédiatement.
Plus exactement, dans un délai d’une demi-seconde, afin d’être sûrs que ce soit le bon comportement qui soit récompensé. Par exemple, si vous désirez renforcer le contact visuel et que vous retardez l’offre de la récompense, vous risquez en fait de renforcer l’enfant à détourner le regard. Avec le temps, il est important d’augmenter les délais de renforcement, pour habituer l’enfant à ce à quoi il sera confronté dans l’environnement naturel.
[Aussi, prévoyez une réserve de sacs à mains suffisante.]
9.    Le programme de renforcement doit être systématiquement suivi.
Un comportement positif doit toujours être récompensé. À l’inverse, un comportement négatif ne doit jamais l’être. Il est important de rester cohérent dans l’application du programme.
[N’offrez jamais des fleurs à votre femme lorsqu’elle fait la gueule,
elle risque de recommencer…]
10.  Le renforcement doit diminuer avec le temps.
Au risque de voir l’enfant s’habituer à la récompense et ne plus produire le comportement attendu.

11.  Au début des apprentissages, formulez le comportement qui est renforcé.
Cela permet de mettre en évidence le rapport entre la récompense et le comportement. Parfois, l’enfant autiste effectue un comportement « sans s’en rendre compte ». Formuler le comportement renforcé lui permet de faire le lien avec la récompense qu’il reçoit.
[Attention ! Chez votre femme, cela peut avoir l’effet inverse. Si vous
lui dites « Ma chérie, cela fait une semaine que tu n’as pas fait la
gueule, je te félicite », elle risque d’avoir un comportement
indésirable en réponse (faire la gueule). Pour éviter cela,
augmenter la taille de la récompense.]
12.  Choisissez avec soin le moment du renforcement.
Il est important de ne pas attendre trop longtemps avant le renforcement, au risque que l’enfant se décourage. Afin de ne pas déroger à la règle 10, il est possible d’ « annoncer » le renforcement à l’aide de mots de félicitations, ou à l’aide de jetons (après un certain nombre de jetons, l’enfant reçoit la récompense).
[Pour votre femme, les jetons peuvent être remplacés par des pièces de
monnaie. Après un certain nombre de pièces de monnaies, elle pourra
se procurer d’elle-même sa récompense. Attention, l’achat d’une
tirelire dont vous posséderez la clé peut s’avérer utile
voire indispensable.]
13.  Recourez progressivement à un renforcement moins étrange et plus axé sur le domaine pratique.
Utiliser des renforçateurs pratiques et naturels permet à l’enfant de généraliser les comportements acquis. Afin d’améliorer l’autonomie de l’enfant, il est important qu’il puisse trouver des renforçateurs dans son environnement naturel.

14.  N’utilisez pas la récompense comme moyen de chantage.
Il ne faut surtout pas annoncer la récompense avant que le comportement ne soit produit ! L’objectif final étant que l’enfant produise ces comportements naturellement, il faut à tout prix éviter qu’il ne devienne dépendant du chantage et que la récompense soit essentielle à l’action du comportement cible.
[Surprenez votre femme ! Si elle comprend d’elle-même le comportement
à avoir pour obtenir une récompense, elle le reproduira plus volontiers.]
15.  Utilisez le renforcement différentiel.
À chaque comportement son renforçateur ! Les récompenses les plus appréciées fonctionneront pour les meilleurs comportements, alors que les comportements moins importants obtiendront une récompense plus faible. Adapter l’intensité de la récompense à l’intensité du comportement recherché.
[Les tâches exceptionnelles méritent une récompense plus élevée que les
tâches quotidiennes. Ne donnez pas à votre femme un libre accès
à votre carte de crédit à chaque fois qu’elle fait le ménage !
]




Vous avez l’impression de dresser votre enfant ? C’est un peu cela. Je me suis posé cette question : Que recherche-t-on ? Car en soi, cela n’est-il pas égoïste de vouloir à tout prix faire entrer dans notre monde une personne qui vit dans un monde si différent du nôtre ? Qu’est-ce qu’un parent est supposé rechercher pour son enfant, si ce n’est son bonheur ? Si l’enfant est heureux avec ses stéréotypies, s’il est heureux en regardant toute la journée le tambour de la machine à laver, cela n’est-il pas suffisant ? Or, il existe une preuve que l’enfant autiste est malheureux : les comportements automutilatoires. Non seulement, il est évident de devoir les empêcher pour des raisons de santé, mais c’est également de sa part une façon de s’exprimer, de dire « Vous ne comprenez pas ce que je souhaite, je n’arrive pas à vous l’expliquer. »
Je pense qu’il est important que la personne autiste ait les cartes en mains pour communiquer avec les autres. Comme un pont, qui lui permettrait de passer de son monde au nôtre, un pont qu’elle pourrait emprunter lorsqu’elle le souhaite, mais aussi qu’elle ait l’opportunité de ne pas l’emprunter si elle le désire. Car ce n’est pas dans notre monde qu’elle trouvera son bonheur. C’est dans le sien.


 Mon petit frère de la Lune, par F. Philibert


[Réf : Autiste et A.B.A. : une pédagogie du progrès. R.Leaf & J.McEachin. Ed Pearson]